Comptant parmi les premiers blockbusters dévoilés sur Wii, début avril – avant même que la Revolution ne perde son nom – le moins que l’on puisse dire est que Red Steel a fait couler de l’encre et du pixel noir jusqu’au 19 novembre dernier. Les premières versions essayées, à l’occasion de l’E3, avaient laissé nombre d’observateurs sceptiques quant au potentiel du soft, votre serviteur inclus. Graphismes tout juste moyens, sensibilité bien trop importante, mouvements de katana scriptés, linéarité prononcée de la démo, autant de raisons de douter qui ne pouvaient tenir bien longtemps l’argumentaire d’Ubi : les graphismes seraient évidemment améliorés, les combats à l’arme blanche réétudiés et la sensibilité réglable. Amen.
~ Un scénario haletant
Vous vous appelez Scott Monroe. Votre fiancée, une charmante eurasienne dont vous êtes éperdument tombé amoureux alors que vous étiez son garde du corps. Votre histoire est évidemment un cliché du genre : vous commencez avec un a priori très négatif sur celle que vous êtes chargé de protéger et que vous voyez comme une enfant gâtée, puis votre regard change pour aboutir au résultat précédemment énoncé.
Alors que votre dulcinée a prévu de vous présenter son père, un chef Yakusa très respecté, celui-ci est victime d’une attaque de ses ennemis, qui le blessent grièvement et enlèvent sa fille. On l’avait pas vue venir celle-là. Impressionné par vos prouesses avec les armes, Sato – le père – décide donc de vous confier la mission de sauvetage de Miyu – la fille. Il vous donne pour cela le Katana-giri, une arme se transmettant de génération en génération dans la famille Sato, et que vous êtes bien sûr le premier occidental à toucher. S’en suit donc une poursuite à travers le Japon, ses Yakusa mal intentionnés, ses clichés et ses japonais, à la recherche de votre bien-aimée. Vous en profitez au passage pour pacifier tout ce petit monde et rétablir l’honneur du vénéré clan Sato. Du véritable travail de professionnel.
Vous vous en doutez, vous serez peu surpris par les rebondissements scénaristiques, le seul écueil à la linéarité résidant dans un certain nombre de missions que vous pourrez remplir dans l’ordre souhaité.
~ La Wii à genoux ?
Ce que l’on avait pu reprocher à la démo E3 du jeu tenait en partie à son aspect visuel peu reluisant. Comme promis, des progrès importants ont été effectués, mais l’ensemble reste assez inégal. On retrouve par exemple cette sorte de halo blanc qui entoure certains personnages. Certes atténué depuis mai, il donne toujours une impression d’inachevé à l’ensemble, quand bien même il serait voulu par les développeurs.
La cohérence graphique de l'ensemble est, elle, plus assurée par le travail de design des environnements, volontairement voulus clichés par Ubisoft Montreuil, que par la qualité constante du soft. Si certains effets sont tout à fait plaisants à l’œil, notamment les reflets sur le sol, bien gérés, et les flammes et explosions, très jolies elles-aussi, la pixellisation de l'ensemble et la pauvreté de certaines textures mitigent un bilan qui aurait pu être bien plus positif. Certains éclairages sont de plus statiques et traversent même parfois les personnages. Moyen pour un jeu sorti en 2006.
Le travail en motion-capture a été réalisé proprement, et la fluidité des animations satisfait. Le peu de variété des comportements des personnages pourra au demeurant gêner, par exemple en rencontrant le dixième combattant au sabre qui arrive avec la même trajectoire de course, sans non plus gâcher le plaisir de jeu. Dur de se concentrer sur le comportement d'adversaires lorsqu'ils mitraillent de partout. Il n'y a d'ailleurs aucun ralentissement notable ou tout du moins gênant durant ces phases.
~ Born for First Person Shooting
Annoncée comme la nouvelle référence en terme de gameplay FPS sur console, la Wii doit tenir ses engagements. Charge aux développeurs de faire en sorte que cela soit vérifié. Ubisoft s'y est donc attelé dès 2005, l'équipe de Red Steel étant parmi les premières au monde hors-Nintendo à y avoir eu droit. Elle fut donc parmi les premières à essayer de profiter de ces toutes nouvelles possibilités en matière de jeu à la première personne. Malheureusement, la maniabilité ne se révèle pas aussi parfaite qu'on aurait pu le rêver.
Le viseur est toujours très sensible, mais aussi très précis. Il faudra, pour le maîtriser pleinement, quelques instants d'adaptation si vous n'y avez jamais touché auparavant - ce qui n'a donc pas été nécessaire pour votre serviteur. Une fois cela fait et la visée de précision avec A assimilée, vous arrivez à un résultat assez probant pour vous éclater en phases de shoot. Si l'ensemble des interactions avec l'environnement est plutôt bien géré, on regrette qu'Ubisoft nous impose d'atteindre la quasi-extrémité de l'écran avec le viseur pour que la vue pivote, sans que cela soit réglable dans les options. Cela nuit sévèrement à la réactivité en affrontements rapprochés et rapides, et frustre le joueur habitué des FPS, PC ou console.
On se surprend malgré cela à prendre beaucoup de plaisir à dézinguer de toutes parts et Red Steel se présente comme un digne descendant de... Time Crisis. Si la comparaison peut sembler incongrue, on remarque rapidement qu'on a affaire à un FPS très linéaire, dans lequel on alterne en permanence entre se cacher et sortir la tête pour tirer. Inutile de tenter de foncer dans le tas en espérant tuer tout le monde avant de mourir, c'est impossible. D'une part pour les raisons évoquées plus haut, et d'autre part parce que votre jauge de vie vous semblera au fil de l'aventure devenir de plus en plus faible. Celle-ci se remplissant intégralement au bout de quelques secondes sans vous faire toucher, on comprend d'autant mieux l'intérêt de se cacher régulièrement. Red Steel parvient en cela à se positionner en décalage par rapport aux FPS traditionnels et apporte une vraie bouffée d'air frais.
Petit note négative, dont certains semblent, et tant mieux pour eux, n'avoir pas souffert : le viseur fou. Il m'est en effet arrivé régulièrement de ne pas pouvoir jouer car mon viseur décidait soit de traverser l'écran sans raison apparente, soit de se recentrer sans mon avis. J'ai pu atténuer voire supprimer le phénomène en cachant les diodes de ma télévision et en enlevant les sources lumineuses extérieures, mais difficile d'en déterminer la cause exacte ; il m'est parfois arrivé de jouer toutes lumières allumées et sans précaution, c'est-à-dire en conditions normales, sans qu'aucun problème ne se pose.
~ I'm a shinobi
La vidéo de présentation de la wiimote diffusée lors du TGS 2005 par Nintendo n'avait cessé de faire croître l'impatience des fans. Souvenez-vous de ce passage où un jeune japonais mime un combat à l'épée la wiimote à la main devant son écran. Les rumeurs les plus folles sur un éventuel Zelda proposant des combats épiques parcoururent alors la toile, chacun se voyant d'avance affronter Ganondorf en combat singulier de cette manière. C'est dire à quel point l'annonce de la présence début avril 2006 de duels au katana dans Red Steel décupla l'enthousiasme de la communauté vidéoludique. Un contrôle libre du katana offrirait des instants d'anthologie dans ce qui devait être le précurseur d'une longue lignée de jeux inoubliables. En cela, l'E3 fut un énorme choc pour beaucoup. Des mouvements scriptés du personnage avaient remplacé ce qui bouillonnait dans les esprits depuis un mois. Loin d'être sourd à la plainte des joueurs, Ubisoft avait annoncé qu'ils travailleraient sérieusement sur la chose afin de satisfaire nos attentes.
Au fil des salons de la fin de l'été, l'absence d'une quelconque évolution de la chose achevait de persuader les plus aigris que Red Steel ne serait en fait qu'une daube immonde. Sans surprise, le jeu sortit le 19 novembre aux Etats-Unis avec une maniabilité du katana strictement identique à celle de l'E3. Cette maniabilité, bien que longuement décriée par beaucoup de ceux qu'elle a déçus, se révèle être plutôt agréable. Assez nerveuse, elle propose, si les adversaires suivent, des combats rapides voire techniques et demande un peu de temps pour être complètement maîtrisée. Cependant, car il y a malheureusement toujours quelque chose à critiquer, la détection de mouvements est parfois hasardeuse et les combats deviennent rapidement un peu trop répétitifs pour entretenir durablement le plaisir et la surprise de la découverte.
~ Faire durer le plaisir
Comme vous l'avez certainement déjà lu autre part sur le net, Red Steel ne marquera pas les annales par sa durée de vie exceptionnelle. Dans la moyenne basse du genre, la petite dizaine d'heures qu'il vous faudra pour en venir à bout en mode normal pourrait vous laisser sur votre faim. Vous serez alors peut-être tenté de les prolonger en vous attaquant au multijoueur.
Quelques modes classiques de deathmatch solo en équipe côtoient une innovation relativement intéressante sur le papier : le mode Tueur. En cours de partie, votre télécommande sonne comme s'il s'agissait d'un téléphone, et le jeu vous indique via le haut-parleur une personne spécifique à éliminer. Une sorte de bip de sonar s'intensifie au fur et à mesure que vous vous approchez de votre future victime, avec pour objectif de faire grimper la tension. Cependant, le fait de jouer en écran splitté sur des maps aussi petites que celles proposée ôte quelque peu de son intérêt à la chose. Si on se laisse porter par la curiosité lors des premiers affrontements, ce mode Tueur ne retient au final pas beaucoup plus l'attention que les autres modes proposés.
Il se trouve que le multijoueur de Red Steel manque sincèrement de consistance. Les maps proposées, au nombre ridicule de 4, sont assez petites et au level-design peu intéressant. Ajoutez à cela une maniabilité étrangement désagréable par rapport au mode solo et le récurrent problème de rotation de la vue dont je vous parlais plus longuement dans le paragraphe sur le gameplay, et vous comprenez le peu de plaisir que l'on peut ressentir à se fusiller entre amis. Vraiment dommage, quand on voit qu'il faudrait changer si peu pour que cela devienne plutôt bon.
Absence notable à regretter : la possibilité de s'affronter en duel au katana. On a du mal à saisir pourquoi les gens de chez Ubisoft nous ont privés de ce plaisir pourtant presque évident. Peut-être pour un Red Steel 2 avec un système de combat amélioré, qui sait ?
Gameplay
-/20 Malgré ses nombreux défauts, la nervosité du gameplay et la découverte du combat au katana sont deux aspects non-négligeables qui permettent au jeu de s'en sortir avec les honneurs. Une vraie bonne base pour une éventuelle suite.
Graphisme
-/20 Un ensemble inégal et au final pas franchement transcendant, malgré un travail soigné sur certains aspects, tels que les effets de flamme ou la qualité de l'animation.
Bande-Son
10/20 Les doublages sont assez moyens, sans être foncièrement ignobles, mais on sent surtout que certains textes ont été traduits... de l'anglais. Ce qui fait un peu tâche, pour un jeu fait à Montreuil. Les cris des ennemis, peu variés, lassent assez vite. Seuls les bruitages, de bonne facture, rehaussent un peu l'ensemble.
Durée de vie
10/20 Pour les raisons dont je vous parlais plus tôt, à savoir un solo d'une petite dizaine d'heures et un multi anecdotique, la durée de vie n'augmentera que si vous souhaitez retenter l'aventure avec un mode de difficulté supérieur.
Note Générale
13/20 Présenté et voulu par ses géniteurs comme la killer-app du line-up Wii, Red Steel peut à ce titre être considéré comme décevant. Si la notion de "déception" revient très souvent au cours de ce test, il ne faut pas pour autant oublier que les qualités de ce soft font que, pourvu que vous aimiez un tant soit peu les FPS ou Time Crisis, ce jeu est un achat tout à fait raisonné que vous ne regretterez certainement pas.
source livegen...